Contexte:
Le mouvement en faveur de la création de Safe Spaces (qu’on traduire ici par “espaces sécuritaires”) est né du travail thérapeutique sensible aux traumatismes. De nombreuses organisations, reconnaissant l'impact traumatique du colonialisme, du racisme et d'autres formes de discrimination et d'oppression, ont adopté cette approche dans leurs activités anticoloniales, antiracistes et autres activités militantes.
Cette approche a souvent été revue et modifiée pour reconnaître que la sécurité est relative et que tout le monde ne se sent pas en sécurité dans les mêmes conditions. Le terme "Safer Spaces" (qu’on traduira ici par “espaces plus sécuritaires”) a pour but de reconnaître ce fait et d’y faire face.
Le mouvement vers la création de Brave Spaces (qu’on traduira ici par “espaces courageux”), ou Braver Spaces (qu’on traduira ici par “espaces plus courageux”), s'est développé parmi les activistes antiracistes qui ont remarqué une tendance des personnes blanches à utiliser le concept d'espaces sécuritaires pour éviter de se sentir mal à l'aise ou mis au défi dans les situations de groupes. Les demandes des personnes blanches pour que les conversations sur la race soient "sécuritaires" et que tous les participant·e·s à la conversation "assument de bonnes intentions" de leur part ont eu pour conséquence d’empêcher les personnes concernées par le racisme et la discrimination raciale de discuter ouvertement du racisme, de les stéréotyper comme des personnes confrontationnelles ou colériques et de les réduire au silence. L'approche des espaces plus courageux met au défi les personnes en position de privilège d'accepter le risque que comporte une discussion ouverte sur leur privilège et ses effets sur les autres. Elle reconnaît également que la sécurité et le courage sont relatifs et n'ont pas la même signification pour des personnes appartenant à des groupes différents.
Le concept de sécurité culturelle a été développé dans le secteur de la santé en Nouvelle-Zélande, à partir d'une compréhension des déterminants sociaux de la santé, notamment le racisme, le colonialisme et l'inégalité. La formation à la sécurité culturelle est conçue pour s'appuyer sur la sensibilité culturelle. L'accent est mis sur la compréhension et l'interrogation par l'individu de sa propre culture et de ses préjugés, ainsi que sur la reconnaissance du rôle des relations de pouvoir dans ses interactions avec des personnes d'autres cultures ou groupes. La sécurité culturelle exige une communication solide, la reconnaissance de l'impact de la colonisation, le respect de soi et des autres, et la célébration de la diversité.
Les lignes directrices qui suivent sont basées sur le travail qui a été fait par d’autres (voir les liens ci-dessous) sur les espaces plus sécuritaires, les espaces plus courageux, et le concept de sécurité culturelle.
Préambule :
Ce qui suit doit être compris comme des lignes directrices, pas comme des règles. Ces lignes directrices sont un moyen pour nous de créer et de clarifier les ententes et les attentes qui permettent à chaque membre du groupe de se sentir suffisamment en sécurité et courageux pour participer.
Malgré nos meilleures intentions, nous reconnaissons que dans nos conversations les un·e·s avec les autres, nous aurons parfois des réactions défensives, des moments de manque d’égard pour les autres et des angles morts. Des désaccords surviendront alors que nous apprenons les un·e·s des autres. Les présentes lignes directrices nous aideront à en tenir compte et constitueront un point de référence lorsque nous devrons trouver des moyens de nous entendre à nouveau.
Lignes directrices :
1. Nous reconnaissons notre contexte colonial et les relations de pouvoir que ce contexte créera sûrement au sein de notre propre groupe.
Nous reconnaîtrons et examinerons l'impact continu de la colonisation sur les peuples autochtones.
Nous nous efforcerons de reconnaître nos privilèges (classe, race, culture, sexe, orientation sexuelle, capacité, et autres) et d'honorer les différentes expériences que nous apportons tou·te·s dans cet espace.
Nous essaierons de voir les choses à travers une lentille intersectionnelle.
Nous reconnaîtrons et réfléchirons de manière critique aux relations et aux déséquilibres au sein de notre groupe ainsi que dans la société en général, et comprendrons qu'ils doivent être examinés, négociés et modifiés pour être équitables.
2. Nous respectons les autres et en prenons soin.
Nous nous traiterons mutuellement avec courtoisie et équité, et nous nous abstiendrons d'intimider, de harceler, d'humilier ou de rabaisser.
Nous contesterons activement les pratiques et interactions dangereuses, notamment les stéréotypes, la discrimination, les propos racistes, sexistes, homophobes, transphobes ou tout autre commentaire dégradant et nuisible.
Nous respecterons le droit à la vie privée de chacun·e et ne pousserons personne à répondre à des questions auxquelles iel ne veut pas répondre.
Nous respecterons les limites physiques et émotionnelles de chacun·e.
Nous respecterons le temps et les engagements de chacun·e.
3. Nous nous respectons et prenons soin de nous-mêmes.
Nous nous abstiendrons de nous faire honte, de nous rabaisser ou de nous blâmer injustement.
Nous ferons des pauses lorsque nous en aurons besoin.
Nous affirmerons et maintiendrons des limites saines.
Nous prendrons le temps nécessaire pour nous préparer et faire notre travail, et nous transmettrons ou déléguerons des responsabilités si nécessaire.
Nous dirons oui et non quand nous le penserons vraiment.
4. Nous accueillons les points de vue multiples et nous valorisons la diversité.
Nous nous souviendrons que tout le monde ne sait pas tout ce que nous savons, et que nous ne savons pas tout ce que les autres savent. Aucun·e d'entre nous ne sait tout, mais ensemble, nous savons beaucoup de choses.
Nous affirmons que nous avons tou·te·s le droit d'être différent·e·s.
Nous chercherons activement à apprendre de tou·te·s les autres.
Nous partagerons aussi ce que nous savons (lorsque cela est approprié), ainsi que nos questions, afin que les autres puissent apprendre de nous.
5. Nous assumerons la responsabilité de nos paroles, de nos actions et de leurs conséquences, même celles qui ne sont pas intentionnelles.
Nous parlerons en notre nom et à partir de nos propres expériences.
Nous chercherons à comprendre les différences d'opinion et poserons des questions pour nous aider à comprendre comment les conflits peuvent être résolus.
Nous reconnaîtrons que nous pouvons être la cause d'un préjudice, même si nous n'en avons pas l'intention.
Tant que nous nous sentirons en sécurité, nous ferons savoir aux autres si nous avons une forte réaction à quelque chose ou si nous ne sommes pas satisfait·e·s de la façon dont les choses sont faites ou dites.
6. Nous nous engageons à apprendre ensemble.
Nous ne pouvons pas être toujours parfaitement éloquent·e·s, et nous n'attendons pas cela des autres.
Nous serons généreux·euses les un·e·s envers les autres car nous avons tou·te·s le droit de commencer quelque part et de continuer à grandir.
7. Nous assumons notre responsabilité pour le groupe et sa dynamique, et nous sommes prêt·e·s à être tenu·e·s responsables de la façon dont le groupe fonctionne ou ne fonctionne pas.
Nous nous efforcerons d'établir une communication directe et ouverte, de la transparence et une répartition équitable du pouvoir.
Nous partagerons le temps de parole et essaierons de parler après ceux qui n'ont pas parlé.
Celleux d'entre nous qui ont tendance à parler beaucoup essaieront d'écouter un peu plus et celleux d'entre nous qui ont tendance à écouter essaieront de parler un peu plus.
Nous nous efforcerons d'écouter activement, de prêter attention et de réfléchir à ce qui est dit avant de répondre.
Nous nous efforcerons de remarquer et de nommer les dynamiques de groupe sur le moment, d'être conscient·e·s de la façon dont les autres réagissent ou ne réagissent pas.
8. Nous aurons le courage d'être en désaccord avec les autres et d'être ouvert·e·s aux critiques des autres.
Nous remarquerons quand nous sommes sur la défensive ou dans le déni.
Nous nous efforcerons de trouver des moyens de confronter respectueusement les autres et d'être ouvert·e·s à la confrontation de nos propres opinions.
Nous nous efforcerons d'acquérir une connaissance critique de questions controversées qui laisse la place à des opinions différentes et à une compréhension nuancée de ces enjeux.
9. Nous permettrons à ces lignes directrices d'être flexibles et dynamiques, et de changer et évoluer si nécessaire.
Références (en anglais):
The Anti-Oppression Network --- "In Conversations About Race, ‘Safe Space’ is a Cop Out" --- Mental Health Commission --- Immigration Partnership Winnipeg's --- Te Kaunihera Tapuji o Aotearoa/Nursing Council of New Zealand --- YouthLine --- Solar Community Housing Association --- AWARE-LA --- one.n.ten --- Safe Space Alliance
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